Mardi 15 mars 1977.

Esther Phillips, la chanteuse aux ongles en or de la nuit dernière, a appelé. Je sais que c'est une bonne chanteuse, je le sens. Elle m'a dit qu'elle partait pour la Californie et nous allons essayer de nous rencontrer là-bas.
Victor est arrivé avec un type qui pose nu. Je fais venir des mecs qui posent nus pour des photos dont je me sers pour les nouveaux tableaux que je peins en ce moment. Mais je ne devrais pas appeler ces tableaux des nus. Il faudrait quelque chose de plus artistique. Du genre "Paysages". Paysages.
Déposé Catherine et Fred ($4). Je me suis changé, préparé pour le dîner en smoking de Carrie Donovan au "21". Joseph Brooks, le président de Lord and Taylor, m'a invité (taxi jusqu'au "21" : $2,50). Diana Vreeland était la cavalière de Fred pour la soirée, et ils se sont arrêtés au "21" puis ont rejoint l'ambassade d'Iran où je devais aller moi-même plus tard. Je me suis bien amusé au "21" (taxi : $2,60). Quant aux Iraniens, il s'agissait d'un dîner pour Paulette Goddard, c'est Bob qui avait établi la liste, placé les invités, mais c'est Paulette Goddard qui les avait choisis et avait tout organisé, je me suis rasé parce qu'elle n'avait invité personne d'intéressant, aucune beauté, seulement ses amis. Mais il y avait pléthore de caviar frais. J'étais assis entre Carroll Portago et Gisela Hoveyda, la femme de l'ambassadeur.
Au départ, Bob n'avait pas voulu que les Lumet viennent, et finalement ils se sont décommandés une heure avant le dîner, il a dû refaire toute la disposition des tables.
Diana Vreeland a passé un très bon moment à discuter avec un certain docteur Lucky, directeur du New York Hospital. Anita Loos était là, je lui ai dit qu'elle avait une robe magnifique. Elle est si minuscule que je lui ai demandé si elle allait au rayon enfants pour acheter ces robes longues, elle m'a dit qu'il n'y avait pas de robes du soir au rayon enfants, que c'était une Madame Grès, je lui demandé si c'était moitié prix du fait qu'elle était si petite, elle m'a répondu : "Non. Quand j'achète un manteau de fourrure, je paie autant que Kate Smith."
J'ai demandé à Anita de quelle manière les femmes vraiment séduisantes s'y prenaient pour coucher avec les hommes, comment elles faisaient, elle m'a répondu que la seule qu'elle connaissait vraiment bien, c'était une femme de Hollywood qui, le moment venu, s'agenouillait par terre et priait Dieu de lui pardonner; les types étaient refroidis d'un coup, avaient honte et ils lui offraient des bijoux.
Anita m'a confié que si elle était parvenue à rester amie avec Paulette, c'est parce qu'elle ne lui pose jamais de questions directes. Je lui ai dit que j'avais fait l'erreur de ma vie en lui demandant : "Comment était votre vie sexuelle avec Chaplin ?".