Lundi 26 février 1979.

Taxi jusqu'à Chembank ($ 4). J'ai travaillé toute après-midi au bureau, pour peindre des fonds de portraits. Joe Dallesandro a appelé de Paris. Il dit qu'il boit une bouteille de whisky par jour. Il veut de l'argent. Je ne sais pas ce qu'on va faire avec Joe. Nous étions prévenus qu'il allait appeler parce que Terry Dallesandro était passée, l'autre jour. Elle habite toujours a Staten Island, elle avait l'air bien. Elle était maquillée. Elle a dit que Joe ne lui envoyait pas d'argent. Je me demande si elle reçoit des allocations. Little Joe n'était pas avec elle, il était à l'école. Il a huit ans maintenant. Elle continue a ne s'intéresser a rien. Elle dit qu'elle ne lit jamais, qu'elle ne sait rien faire, elle ne connait même pas le secrétariat, elle a quitté l'école très tôt. Je lui ai demandé ce qui intéressait Little Joe, elle a répondu (rires) qu'il prenait des cours de karaté.
Joe a dit qu'il avait un film « sur le feu », mais il a déjà dit ça la dernière fois. Oh j'oubliais, Terry a dit que six mois après que Bobby, le frère de Joe, s'est pendu, un autre garçon qui vivait dans la même famille adoptive que Joe et Bobby à Long Island s'est aussi suicidé.
Rupert a appelé — les deux jumeaux Du Pont ont emménagé avec lui à White Street.

Dimanche 25 février 1979.

Messe. Achat de piles ($ 12,22). Taxi jusqu'au U.N. Plaza ($ 3). Truman avait un déjeuner pour Buckminster Fuller — Bob MacBride vient de faire une interview de lui pour Interview. Il a quatre-vingt-trois ans, il n'entend plus très bien, il est mignon. Truman est superbe. Il va avoir ses implants cette semaine. Il part en Géorgie faire une interview pour nous, mais il ne veut pas dire avec qui. Je lui ai donne mon magnétophone et un appareil photo. Deux agents de voyage étaient la et Bill Lieberman, qui a été conservateur des dessins et gravures au MOMA pendant des années. C'est un vieil ami.

Samedi 24 février 1979.

Debout de bonne heure. Brigid a appelé, elle était remontée a 75 kilos. Chaud et pluvieux. Je voulais aller tôt a la galerie de Heiner pour avoir le temps de distribuer mille Interview dans l'après-midi (taxi $ 6). Arrivé vers 12 h 30 et commence à travailler. Je n'arrive pas à croire que j'en ai distribué mille, mais si. Rupert et les jumeaux Du Pont sont passés, et pour un break je les ai emmenés avec les gamins de la galerie, chez Robata, le restaurant japonais au coin de la rue ($ 9,90). J'ai quitté la galerie vers 6 h 30. Une fille qui prétendait avoir été au lycée avec moi m'attendait, elle avait apporté l'annuaire de l'école, elle m'a demandé si je voulais voir et je lui ai dit que je préférerais pas.

Mercredi 21 février 1979.

Avant de quitter le bureau, Mrs Neil Sedaka a appelé pour m'inviter à une fête pour Neil, j'ai pris un taxi ($ 5). Tout le monde était excité que je sois venu. quand j'ai vu Neil, je n'ai pas pu m'empêcher — je l'aime bien — de lui dire qu'il était trop gros pour que je fasse son portrait, et qu'il fallait absolument qu'il maigrisse. Je ne peux pas me faire a l'idée de le peindre tellement gros.Il dit qu'être gros fait partie de son image, que les gens l'aiment bien, gros, mais je suis sûr qu'il mange trop. Il venait de prendre trois vodkas. Peut-être que je suis allé trop loin. Je suis censé le faire la semaine prochaine.

Lundi 19 février 1979.

Anniversaire de George Washington, 50 centimètres de neige.
Déjeuner avec Peter Beard et Cheryl Tiegs. C'est une dure, elle réussira probablement à épouser Peter. Je suis arrivé a la conclusion que Peter n'est qu'un play-boy. Il est superbe et ne vieillit jamais (déjeuner $ 100, service 30). Cheryl dit qu'elle aimerait faire du cinéma, alors je lui ai conseillé de descendre sa voix - de parler avec la poitrine et non avec le nez. Elle dit que les gens pourtant, aiment sa voix comme elle est. Ils avaient renvoyé la limousine, nous sommes rentrés à pied.

Dimanche 18 février 1979.

J'ai dit à Susan Blond que je la retrouverai au Palladium sur la 14ème Rue pour voir un groupe anglais, Clash (taxi $ 5). Ron Delsener nous a emmenés dans une petite piece. Nous étions assis, un couple est entré que je n'ai pas reconnu. En fait, c'était Carrie Fisher et Paul Simon. Je ne le reconnais jamais. Bruce Springsteen est venu, mais je ne l'ai pas reconnu non plus. Il était adorable. Il a fait : « Salut, vous vous souvenez de moi ? » Et il a enlevé son gant pour me serrer la main. Je l'avais rencontré au Madison Square Garden, j'avais pris une photo de lui que je n'étais pas censé prendre.
Blondie — Debbie Harry — était là et dans les coulisses, il y avait Nico ! Avec John Cale ! Elle est a nouveau belle, très belle, elle a fini par mincir du visage. Naturellement, elle est brun foncé, mais John lui fait se teindre les cheveux en roux vif. Ils vont se produire au CBGB, elle va chanter Femme fatale du premier album du Velvet Underground et John va jouer du violon. Elle habite au Chelsea.
Les types des Clash sont mignons mais ils ont les dents pourries, des chicots. Ils hurlent qu'il faut se débarrasser des riches. L'un d'eux disait qu'il ne voulait aller nulle part downtown — qu'il voulait qu'on lui montre uptown. Alors je lui dit OK, allons au Xenon et au Studio 54.

Vendredi 16 février 1979.

J'ai appelé les Neil Sedaka mais ils étaient sortis. Le décorateur était là, il m'a invité à passer à son bureau sur le 81e et Park, puis ensuite à aller voir l'appartement des Sedaka qu'il vient de décorer [sur le 85e et Park], avant qu'ils n'emménagent. Je suis monté chez le décorateur, il a une sorte d'entrée privée dans un grand immeuble. C'est un beau bureau mais affreusement décoré. Des tableaux comme j'en ai déjà vus chez d'autres, juste des gribouillis. Je ne crois pas qu'il les a peints, ce sont vraiment les tableaux de quelqu'un. Je n'ai pas eu le courage de lui demander de qui. Je le ferai. Il porte l'uniforme de Christopher Street : bottes de l'armée, veste de cuir, pantalon de toile, une moustache et barbe. Il ressemble a Victor, on dirait Gay Bob, la poupée. Ensuite il m'a emmené voir l'appartement de son associée, au-dessus ! Un duplex avec encore ces horribles gribouillis...
Puis nous sommes allés a l'appartement des Sedaka. La rénovation a dû coûter ou 3 dollars ou 400 000 dollars. Ils se contentent de déplacer la porte d'un centimètre mais en même temps ils installent un sauna et tout le bataclan. Taxi jusqu'au U.N. Plaza ($ 3). On aurait dit que Truman venait de passer entre les mains du Dr Frankenstein. Des cicatrices en haut, en bas, sur tout le visage. On aurait dit qu'il lui manquait juste une petite vis. Puis nous avons pris un taxi jusqu'au cabinet du Dr Orentreich ($4), nous sommes passés par la porte de service. C'était comme se balader avec Garbo. Truman était déguisé : un foulard sur la tête, un drôle de petit chapeau avec des plis ; une babouchka, une veste, une écharpe sur la bouche, des lunettes de soleil, un blouson en cuir et un manteau. Enveloppé dans toutes ces écharpes, ces drôles de chapeaux, on ne pouvait pas le manquer ! Sinon personne ne l'aurait remarqué. Il aurait été juste quelqu'un de bizarre avec du sang coulant sur le visage.
II a décidé qu'il en voulait plus — il voulait souffrir plus, j'imagine — voulait faire faire [tout de suite] le pli sur l'arête de son nez. Une opération que Truman prétend avoir inventée, que le Dr Orentreich a d'abord essayé sur deux femmes et que maintenant il est prêt a exécuter sur Truman.
Huit infirmières vraiment superbes. ça ressemblait a Hugh Hefner avec ses Bunnies. Elles disaient : « Quel grand couturier vous êtes, docteur ! » Après avoir fini le pli — il faisait un demi-centimètre et la cicatrice en faisait cinq ils l'ont rafistolé. Truman était réveillé, il a dit que ça ne faisait pas mal, mais je ne vois pas comment c'est possible. II a pris rendez-vous lundi pour enlever les fils.
Taxi pour le U.N. Plaza, Truman parlait de « notre magazine ». En plus des grandes conférences de rédaction, il voudrait une page éditoriale et une rubrique courrier des lecteurs. Et maintenant je me prépare a recevoir une lettre de ses avocats.
Il annonce que la prochaine amélioration, ce sera des implants. Il dit que ses problèmes viennent tous de John O'Shea, qu'il le hait franchement maintenant. Mais plus tard, Brigid m'a raconté qu'il lui avait fait envoyer un abonnement à Interview.

Mardi 13 février 1979.

Truman pense que Interview devrait ressembler plus au vieux Vanity Fair. Il a donné à Brigid un tas d'idees pour Interview, disant qu'il souhaitait participer à une conférence de rédaction avec l'équipe, tous les lundis matin. Mais ce genre de réunions n'est qu'une énorme perte de temps. Les autres magazines font ça, mais tout le monde a Interview fait plus ou moins son travail. Les autres magazines planifient de longues réunions. C'est là que les idées de tous ces gens sur eux-mêmes, sur leurs opinions transparaissent — des réunions de pouvoir. Ces réunions ne servent qu'a déterminer si les gens pensent qu'ils sont meilleurs ou que vous êtes meilleur.

Lundi 12 février 1979.

J'ai oublié la chose la plus importante - le déjeuner, vendredi, chez Christie. Je suis passé prendre Bob, nous y sommes allés à pied. Un type avait mis tous ses bijoux pour que je les regarde, il m'a fait : « Vous pouvez les avoir à un bon prix. » Et c'est là que j'ai commencé a comprendre : ces commissaires-priseurs peuvent abattre leur marteau quand bon leur semble. Non ? Bien sur que si : on est a Sotheby's, le type dit : « Viiiiingt dollars... Trrrrente dollars... », en prenant bien son temps. Une autre fois ce sera : « Neuf mille neuf cinq dix dix vendu ! C'est fini ! » Aussi vite que ça! Ils nous ont montré des dessins de moi qui sont en vente, il y avait un faux.
Et Christie's organise une grande vente de robes, des Dior, des Schiaparelli et autres. Une Fortuny va faire entre 8 000 dollars et 10 000 dollars. Il faudrait que je retrouve le type qui avait cette merveilleuse boutique dans le Village - Fabulous Fashion. Il a dû déménager, maintenant il est quelque part sur End Avenue, il travaille dans son appartement. Il faut absolument que je le retrouve !
L'Iran est tombé. C'est franchement bizarre de voir ça a la télé, ça pourrait arriver ici. Brigid m'a raconté l'histoire d'un garçon dont la mère est morte et qui n'a rien dit à personne. Il l'a gardée huit mois dans la maison.

Dimanche 11 février 1979.

Mica Ertegun a appelé pour dire que le déjeuner chez Mortimer était déplacé de 1 heure à 1 h 30.
Je suis sorti pour aller à l'église, et je suis tombé sur Gary Wells en pantalon vert vif qui en revenait. J'ai été surpris de le voir dehors si tôt, alors que je l'avais vu si tard au Studio 54, la veille.

Samedi 10 février 1979.

Je ne m'étais pas couché avant 6 heures et Victor a appelé, il a commencé à
parler d'idées — est-ce que je n'avais pas quelque « idée sophistiquée » ? Il travaillait, dit-il, et préparait une fête pour douze gamins qu'il avait ramassés au Anvil.
Allé chez Truman pour fêter son lifting. Il devait entrer a l'hôpital le lendemain, dimanche, et subir le lifting le lundi, mais il ne voulait pas dire à quel hôpital. J'avais Janet Villella et un des jumeaux « Du Pont » avec moi ces frères jumeaux qui disent qu'ils s'appellent Du Pont, mais je crois qu'ils inventent. Quand nous sommes arrives chez Truman, il n'était pas très heureux de voir le jumeau. Une fois, au Studio 54, Jacques Bellini, dont est amoureux un jumeau, l'a envoyé voir Truman pour lui dire des choses horribles, Truman s'en souvenait. L'autre jumeau est le fiancé de Rupert. Bob Colacello était là, ainsi que Bob MacBride et Halston. Le Dr Giller m'a dit qu'il avait essayé de m'appeler, qu'il était devenu très jaloux quand un autre homme avait répondu. C'était Jed. Truman essayait de me faire manger des quantités de chocolats, il croit que j'aime beaucoup ça, mais non. Le commissaire a la Culture, Geldzahler, était là avec son nouveau petit ami qui est mignon. Henry a raconté qu'il avait dit au maire, Koch, qu'il voulait un badge de responsable de la culture, le maire lui en avait donné un. Il l'a sorti. Le petit ami de Christopher Isherwood, Don Bachardy, était là.

Vendredi 9 février 1979.

Fred partait pour Berlin. Diana Ross a appelé pour que je fasse un portrait d'elle et de ses enfants, que son manager appelerait à ce sujet, comme Fred est absent, je pense que je vais devoir m'en occuper moi-même.
Au Studio 54, j'ai rencontré le jeune Young Samuels. Vraiment beau, le genre Robert Wagner, jeune.

Jeudi 8 février 1979.

Travail au studio, je suis parti de bonne heure. Déposé Bob (taxi $ 4). Cocktail chez Neil Sedaka, 510, Park Avenue, avant le dîner de la Police Athletic League. J'ai rencontré Leha, il y a quelques semaines, elle voudrait un portrait. Les Sedaka sous-louent en attendant que leur appartement soit prêt. Toute la discussion portait sur la difficulté d'acheter un appartement parce qu’ils sont juifs et dans le show-business. Il y avait un vieux couple que j'ai aidé à entrer. Beaucoup de gens étaient en smoking. J'étais le plus mal habille avec un vieux jean et un pull, Neil était décontracté, en pull, a la californienne, bien qu'il soit de Brooklyn. Il a l'air d'un pédé mais il ne l'est pas. Je ne sais pas comment va sortir son portrait parce qu'il est rondouillard. Le décorateur qui fait leur appartement était la avec son petit ami et nous avons bu des cocktails,
c’était amusant.

Lundi 5 février 1979.

Halston m'a appelé pour nous inviter a dîner avec Liza, Liz, Dolly Parton et Lorna, donc je suis rentré à la maison pour me changer. Marché jusque chez Halston. Liza a voulu nous emmener, Jed et moi, chez elle, 40, Central Park South, pour voir les sculptures de son fiancé Mark Gero. Elle a dit qu'elle ne nous garderait que cinq minutes.
Il n’était pas là — il jouait au poker avec ses copains dans un restaurant
mexicain sur la 86e Rue et elle allait le rejoindre, mais elle m'a fait écrire un mot, disant combien le truc était bon, que je lui obtiendrais une exposition. C'était des nichons en marbre, en albâtre et en bois, elle les caressait pendant que nous parlions. Liza n'a pas encore emménagé dans sa maison de Murray Hill. C'est tellement triste de voir son appartement, elle n'a aucun goût, Halston essaie de lui en donner. Il faudrait que Jed décore son appartement, en fait je crois que tout ce qui l'intéresse c'est de travailler, elle se moque de la décoration.
Nous l’avons déposée au poker et nous avons ramené Jed, il était à peu près 2 heures du matin, je suis retourne chez Halston. Doly n'est pas venue, Liz non plus. Halston et le Dr Giller disaient qu'ils « décompressaient ». Je me demande de quoi !

Dimanche 4 février 1979.

J'ai éte mentionné par le New York Times dans un article sur l'art de l'époque victorienne, par Hilton Kramer, qui m'a descendu.

Vendredi 2 février 1979.

John Reinhold a appelé ce matin pour dire qu'il aimerait bien m'emmener à la galerie de sa femme sur la 78e Rue (taxi $ 2). Elle vient de partir en Europe chercher d'autres affiches et des trucs. La galerie avait une fabuleuse exposition de vieilles affiches de films, des Garbo des années 20, d'énormes et splendides affiches imprimées en allemand, environ 2,40 x 3 mètres — des trucs comme l'affiche originale de King Kong, d'autres de Charlie Chaplin. J'ai toujours acheté les petites affiches des films américains, elles ne valent rien. Les originaux de Cassandre valent 35 000 dollars. Incroyable ! Et quand je pense que je les ai laissées filer ! Une litho vaut environ 5 000 dollars ou 10 000 dollars. Alors des affiches ! C'est incroyable ! Déjeuner au Three Guys sur Madison et 75e Rue, c'est vraiment une bonne boutique de sandwichs. Un tas de gamins sont venus, il doit y avoir une école dans le coin. Il y avait une fille derrière nous qui disait « merde » et « putain » en parlant avec sa mère. Quoi que la mère lui dise, la gamine disait : « Tu es en train de m'insulter, maman. On avait envie de lui flanquer des gifles et des coups de pied dans le derrière — une petite pimbêche. Elle avait à peu près quatorze ans la mère environ trente-cinq, qui pleurait. Le genre : on s'en prend a sa mère et on enfonce le clou — c'est ce qu'elle faisait. Elle était écoeurante. J'ai déposé John à son bureau et suis descendu à Union Square (taxi $ 4,50).